samedi 14 mai 2016

IDIOLECTE : Il est inexplicable que tout à coup ce qui longtemps a été longtemps ignoré fasse surface alors avec la plus simple des violences, la plus douce des confidences, le jour d'un enterrement.

Oui. Oui, eux aussi ils ont connu ton père. Oui, ils étaient tellement proches. Non, je ne leur ai pas dit. Oui, je me suis dit : je ne leur dit rien. Je ne leur dit rien. Je leur dirais  : quand il sera mort.


Ils étaient choqué. Des amis de la Famille. Tu vois : un homme comme lui... Incroyable : personne ne pouvait y croire. Je leur ai dit : si vous saviez !!! J'ai attendu : j'ai attendu qu'il soit mort. Je leur ai dit : si vous saviez ! Ils ont su qui tu étais...


C'est pour cela qu'ils me regardaient tous par en-dessous avec un air attardé et concupiscent ?









jeudi 5 mai 2016

ALORS. Soit Bonne Ou Tue-Toi

Envoyer de très belles fleurs à sa mère à chaque anniversaire; des chrysanthèmes, oui, afin de lui rappeler combien il l’aimait, dans les tons les plus mauves délavés, à moitié pourris car récupérées dans un cimetière peu fréquenté ou l’absence de gardien lui permettait de le substituer sans risques d’être soumis à la honte de profaner les non vivants, un point de vue peu défendable auprès du commun des mortels selon lui: elle pourrait aisément les replanter dans le jardin, et comme elle était née en automne, les lui offrir vifs et brillants n’avaient aucun intérêt puisque l’hiver arriverait immanquablement, aussi il salivait à l’avance de les savoir voués à la décomposition rapide, le sujet le plus important de ces recherches, le stade le plus aimé de ses expérimentations et de ses amours temporaires, avec la musique et la transmission des renseignements : une activité que personne ne pourrait jamais supposer venir de lui. Il trempait dans les bas-fonds, tout en étant un enquêteur hors norme et un personnage utile pour faire horreur à la gent féminine, même celle d’une prostitution peu regardante à la clientèle, et bien sûr, alignée sur les prix les plus bas. Ce matin là, il s’était félicité d’avoir pu la veille, obtenir une pipe négociée à 30 euros, un prix qui lui apportait pratiquement autant de jouissance que la nature de l’acte en lui-même, bien qu’il eut regretté que la fille n’y ait pas mis un peu plus de cœur alors qu’il avait quand même fait l’effort de se laver un mois plus tôt, pour paraître plus convenable à ses yeux. Du moins un peu plus que pour la dernière fille fréquentée, ce surtout pour pouvoir obtenir une remise fort méritée de son point de vue : toujours radical en matière de goûts.
De plus, le chrysanthème était aussi anti insectes, donc, il préférait les destiner à sa mère : garder les bêtes qui vivaient chez lui en vie et en vie puisqu'ils cohabitaient intimement et d’un commun accord qu’ils se rendaient les uns, les autres. Il avait même tenté d’installer un vivarium, récupéré dans une benne, un peu fendu en son milieu mais parfaitement ajustable à d'autres fonctions, comme la majeure partie de ses biens, si petits fussent-ils. Certes, le vivarium était destiné aux fourmis mais il était pour l’adaptation du milieu à l’environnement et de l’environnement au milieu, aussi avait-il œuvré à la défaveur des voisins mais pour ne sacrifier rien de vivant qui l’approcha. Il partageait donc sa cuisinière à gaz avec les bestioles, ce qui leur évitaient pour la plupart de courir et de loger dans la literie :
Une literie remarquable par rapport à toutes celles qu’il avait eu jusque ici; trouvée sur le capot d’une vieille 104 bleu fagot, presque neuve et fraîchement lavée, envolée d’un balcon ou elle séchait probablement, la housse de couette avait été un ravissement quand il y avait passé sa première nuit, il en était férocement content et même fier devant les rares visiteurs qui avaient eu le droit de pénétrer chez lui : elle n’avait pas quitté son sommier depuis un an, une faveur qu’il n’accordait pas même à une femme ou une copine, car il n’était pas trop partageur. Son sommier, hélas, n’avait pas reçu le don divin de la récupération, sommier sur lequel il dormait mieux que n’importe ou ailleurs, creusé par le trou que formait son corps en son milieu, rehaussé par la tristesse d’un linge peu recommandable pour l’honorer et qu'il affectionnait : il habitait ses vêtements jusqu’à ce que mort s’ensuive et ainsi, s’en séparait uniquement avec une tristesse inouïe, et son sommier il l’aimait encore presque plus que sa housse de couette, car il était resté tel quel, emballé dans du plastique, jamais ouvert, volé dans une allée avec un de ses potes qu’il avait réussi à convaincre contre deux places d'un concert improbable d’une valeur de 300 euros. Le pote avait fini par l’avoir mauvaise car il lui avait imposé un duo mais en le lui signifiant uniquement une fois le sommier déposé devant sa porte : il fallait bien qu’il se paye lui aussi le fait de porter le sommier seul de la porte à l’intérieur de sa chambre, un studio en réalité, enseveli au point qu’il avait refusé de laisser entrer cet ami qui ne le resta pas.
Alors cultivait chaque détails avec minutie et prenait donc soin chaque matin de sortir du lit en y restant, de façon à pouvoir avaler un café noir sans sucre, encore assis dans ce lit car il dormait juste devant la vieille cuisinière qu’il n’avait jamais lavée non plus et qui était reliée à une bouteille de gaz qu’il économisait au maximum de ce qu’il pouvait, comme il le faisait avec tout ce qu’il rencontrait et comme il le faisait avec presque toutes les fonctions de sa vie.
Il ne pensait pas qu’on puisse le taxer de minimaliste : il se trouvait vernis et il savait que personne ou presque ne pouvait comprendre quel type de vernis était des plus seyant.
Certainement pas celui des plus hautes sphères.
Il était châtain très clair et il détestait qu’on lui dise qu’il soit blond, ou châtain; il fallait dire châtain clair. Personne n’aurait pu soupçonner le type de renseignements qu’il était capable de soutirer à n’importe qui, dans pratiquement tout contexte : peut-être parce que le voir subtiliser les épluchures de pommes blettes dans la cuisine d’une copine, chez laquelle il était invité pour un apéro, pour les croquer rapidement afin de ne pas les destiner aux poubelles, heurtait la sensiblerie des moins compréhensifs qui le catégorisaient aussitôt.
Parfois s’il avait le temps et toujours en lousdé, il retirait des mets insoupçonnés des poubelles qu’il trouvait subtils et merveilleux, et même découvert en train de gratter une cuisinière sale avec un couteau autour des feux et de ramasser les détritus cramés ou d’y essuyer du pain dans la graisse collée (il prenait soin de faire chauffer la bouilloire en feintant de vouloir lancer une tisane, ce qui faisait quelque peu sourire puisque le blanc était ouvert, ce avant tout, afin de pouvoir décoller celle-ci, cette vieille graisse qui selon les appartements pouvait être de putride à fraîche, en effet la décollait plus facilement que ce soit la sienne ou celle de ses amis en versant de l'eau en très petite quantité autour des feux, comme le jus d’un rôti fraîchement sorti du four, toutefois découvert et à découvert, il se tenait droit comme un empereur romain victorieux et affichait un sourire merveilleux, si bien qu’il arrivait à déstabiliser l’ennemi au point qu’il batte retraite parmi les convives, et de ce fait, évite toute discussion explicative : en effet, il semblait alors vraiment ne pas avoir pas le profil d’un indic de premier ordre, Alors. Et passait donc, une nouvelle fois, à travers les mailles du filet comme de de nombreuses autres occasions.
Après le café il attrapait la télécommande, toujours au pied du lit et ouvrait sa planche de salut : une prouesse de technicité informatique d’un mètre cinquante sur 55 centimètres, camouflée de l’intérieur d’une bibliothèque qui s’ouvrait sur codes et commandes uniquement pour son propriétaire, par résonance olfactive associée, entre autres.

C'était un vrai jour de fête, de ceux qui brûlent comme une brindille, d'un éclat qui semble particulièrement bénéfique mais qui ne dure que le temps qu'on se décide à y consacrer. Lorsqu'il est là, on ne le voit pas bien et quand il s'est en allé c'est une saveur insoupçonnée qui s'évapore à jamais, parce que le feu à brûlé si vite qu'il n'a pas pu prendre. Ou bien il nous à tellement consumé. Au fond, l'intensité semble anecdotique mais elle véhicule des particules sans querelles, sans rien qui ne puisse être aussi beau car ultime et si l'on sait s'y soumettre sans pourtant que rien de soi n'y soit soumis cela peut monter très fort et très vite et l'atterrissage n'est jamais des moindres, cela ne présage rien de particulier si ce n'est qu'à cela on ne puisse que se soumettre comme étranger à ce qui se passe à l'intérieur du corps, qu'il fredonne, somnambule, ou bien se trouve dans un silence total, une possibilité invraisemblable du manque, une disposition nouvelle à aimer les courants d'air, être agenouillé et tenu d'une main ferme, oppressante et douce.
Elle releva la tête et se trouva à l'improviste les yeux dans les siens, il la regardait sans galanterie, d'un air légèrement différent de ceux des autres, cela dura assez pour qu'elle fût envahie d'une douce lumière, elle hésita quelques secondes, intriguée de ce regard direct impressionné d'un climat calme et bienveillant effleuré d'une pointe d'observation amusée qu'elle imagina plus en lien avec ce qu'elle portait qu'elle même, n'empêche, il la déstabilisa par un accueil évident dont elle n'avait l'habitude, il y avait vraiment quelque chose de particulier au point qu'elle repensa à lui encore pendant quelques jours, juste après avoir voulu se dégager en lui faisant focaliser presque immédiatement son attention sur autre chose qu'elle, ce qu'elle savait très bien faire et au moment de sortir, alors, elle le vit en face d'elle en pleine conversation avec une petite femme brune. Ils devaient partager une certaine proximité, et elle se détourna tout en ressentant une impression qu'elle savait plus ou moins annonciatrice, tout en se disant :

- Putain, merde, fais chier.
De plus, il était grand, et avait d'la gueule. Et, elle ne se trompait que très rarement. Dégoûtée, elle tourna les talons, et détala.

Selon ALORS, la Presse féminine italienne dégommait allègrement la nature même des tentations féminines françaises proposées par journaux de merde interposés (distribuée à une population ayant souscrit des assurances  sur la décompression neuronale proche du taux moins cinq cent au dessous de zéro). Il fouilla amoureusement la cour intérieure, rayon journaux et papier, tri sélectif afin de trouver un deuxième exemplaire de celui-là qui intéresserait sa nouvelle copine, laquelle refuserait de baiser mais l'accepterait dans la maisonnée au moins pour une nuit, à condition qu'il arrive à l'entourlouper sur les motifs de son intrusion. Il se pointa à 22 heures tapante à l'appart, (avec une bouteille de vin trouvée chez l'épicier d'un coin qui faisait dans la récup de vieille bouteilles introuvables au goût car elles avaient si bien macérées on ne sait ou que cela leur conférait une note particulière, et à force de comparer le prix avec le goût, le vin finissait par être plus qu'acceptable, bon, et même presque excellent si l'on se mettait au diapason d'ALORS et de ses manœuvres dialectiques ubuesques : il était un conférencier hors norme. Quand vous n'aviez pas envie de parler, il le voyait tout de suite et soit qu'il décida de vous faire une fleur, il vous entraînait alors dans une folle nuitée, terminait les phrases à votre place, vous promenait sur n'importe quel terrain, fusse t-il totalement inconnu, sur un plateau sauvage pour un concert improvisé et évidement sauvage par un groupe de dub montant qui allait se faire fouetter de bonne musique au vent sur une chevauchée de substances illicites.), bref, pour l'heure, la fille en question failli s'étrangler quand elle vit le sourire du Chat d'Alice transparaître derrière la fenêtre de la salle à manger : ALORS était passé par la façade extérieure, premier étage car elle n'ouvrait plus la porte depuis quelques temps, et rien ne saurait jamais décourager ALORS de ses buts premiers. Elle le fit entrer, et lui passa un savon. Prenant l'air le plus abattu possible, lequel lui allait comme un gant, il lui soutira un thé brûlant et failli se retrouver dehors parce qu'il estimait que Le Yunnan n'équivalait à rien d'aussi sympa qu'un thé noir fumé, et que sans un triple, il fallait vraiment en vouloir pour la soutenir et lui tenir compagnie. 

La fille s'était amenée en milieu d'après midi, perchée sur des talons rouges qui lui allait aussi bien que si elle avait porté une cagoule en laine vert fluo sur une plage en plein soleil, elle avait frappé à la porte, le sourire accroché au visage comme sur un porte-manteau dans un deux étoile miteux repeint en laqué rouge piment déphasé et plus ou moins seyant sur les lèvres mais surtout quelque chose qui sonnait aussi bien que quand tout sonne faux. Sa jupe lui arrivait à trois centimètres de l'entrejambe : elle était passé d'un look pré adolescent à celui de quelqu'un qui semblait avoir négocié sa féminité au rabais. Néanmoins, elle affichait une condescendance qui frôlait le pseudo sympa, lequel donnait parfois le change à certains de ses interlocuteurs privilégiés. En attendant, elle regardait les autres avec une interprétation toute semblable à la prétention de s'imaginer comprendre qui elle avait en face d'elle. Un œil acerbe et crevé apparaissait au dessus d'un trait de khôl épais : elle s'entraînait à tapiner depuis moins de deux semaines. Mais deux semaines plus tard, elle aurait passé l'arme à gauche. En attendant, elle s'amusait plus ou moins à se tourner vers d'anciens amis, comme pour essayer de raccrocher. 

Il lui fendit le ventre en deux pendant que ces jambes bougeaient toutes seules comme détachées du corps, le rideau bleu l'empêchait de voir, elle n'y tint plus et s'évanouit. Elle se réveillait pourtant par à coup, et constatait que personne ne se préoccupait d'elle, ses mains étaient attachées le long de la civière, les jambes se secouaient toujours pendant que le type la découpait. La lumière était lugubre et un néon l'éblouissait. L'impuissance. Elle essaya de capter un regard mais on l'ignora. Sans doute bascula t-elle à ce moment-là :

Elle tourna et retourna son bras dans tous les sens avant de trouver la panne. Le cuivre devenait chaud et elle n'avait plus beaucoup de temps avant de pouvoir sortir de la soute. Dehors elle ne savait pas ce qui l'attendait. Elle aurait peut-être dû avertir les autres de son escapade mais elle savait qu'elle aurait aussi pu être découverte et que plusieurs d'entre eux auraient pu le regretter jusqu'à trépas. Le projet définitif n'aurait pas lieu car elle avait transformé les flux énergétiques de tous les passagers de l'avion. Ainsi ils n'atterriraient pas où ils croyaient pouvoir passer quelques jours de vacances mais dans le centre névralgique qui lui permettrait de trouver le matériel technique pour pouvoir réparer ce bras dont elle avait tant besoin. Elle avait glissé plusieurs paires de lunettes dans son sac qui lui permettait d'empêcher les passants de lire ses pensées ou de comprendre qui elle était vraiment. Le matériel qu'elle recherchait était une combinaison de nouvelles données que presque personne ne maîtrisait. Elle savait qu'il lui faudrait passer à travers plusieurs grillages qui protégeaient l'institut de recherche et elle avait déjà un plan combiné à un autre multiplié par 25 possibilités. C'est tout ce qu'elle avait pu faire. Elle avait l'habitude de leurs yeux étonnés d'avoir eu si peu de clairvoyance vis à vis d'elle car son mode de connexion avec autrui était particulier et elle ne laissait jamais quiconque voir ce qui pouvait vivre dans ses circuits. Bien sûr il avait fallu se faire admettre par la catégorie des techniciens mais elle n'avait rien fait pour. Quand ils avaient découvert de quoi elle était capable elle s'était enfuie puis avait rencontré les autres. La fuite : toujours devant et derrière elle. Son bras avait commencé à se décrocher de son corps aussi sa respiration se fit plus saccagée. Elle rampa dans le couloir et dû se décrocher d'un panneau d'aluminium qui commençait à se teinter de bleu. Elle n'eût plus le choix et se glissa en douceur dans le corps d'un jeune homme dont les connexions étaient encore soudées lorsqu'elle se rendit compte qu'elle avait complètement oublié sa caisse à outil dans la soute. Mais il était trop tard. L'avion se mit à trembler. Un frelon incorporé  parmi les passagers pour dépister les odeurs tourna autour du jeune homme mais il ne resta pas trop longtemps - pas assez pour alerter qui que ce soit. Elle pensa tout à coup à la sombre plaine qu'elle avait regardé dans ses moindres détails. Où tous étaient morts brûlés. Mais le corps du jeune homme s'agita et il se mit à tousser bruyamment. Une des tulipes rouges accrochée sur la paroi au dessous de la fenêtre de données sourit et commença à chanter. Elle était presque dévoilée. Elle profita d'une seconde d'arrêt temporel pour reculer d'un temps et retourna chercher le matos. Son bras ne tenait plus qu'à un fil. Elle se laissa guider comme il lui avait été demandé même si elle avait de la peine à laisser cette énergie s'emparer d'elle. Sans doute une autre vie. Elle s'assit sans rien dire sur un des sièges et tourna la tête vers l'homme. Son regard la brûla. Elle ressenti quelque chose dans la structure énergétique de ses corps et dû glisser ailleurs car l'alarme sonnait. Temple de Louxor entendit-elle doucement.

Elle ne se réveilla pas à l'endroit attendu. Tout d'abord exploiter le terrain. Observer. Son sommeil avait été lourd et elle s'était mal réveillée, le corps endolori et la tête embrumée. Elle eût l'impression de perdre connaissance. Quelque chose ne s'était pas déroulé comme prévu. Évidement, il lui avait laissé accès à des données et se demanda quel était son but car il ne se pouvait qu'il n'agisse sans attention dirigée. Elle avait vu le corps à ses côté même si elle ne distinguait pas s'il s'agissait d'une femme, d'un enfant ou d'un homme. Il avait perdu quelqu'un et lui avait laissé entrevoir ce qui s'était produit. En revanche, il avait bel et bien soudé les accès sensibles, qu'il ne laissait visibles en aucun cas. Une odeur de pluie et de terre lui vint. Elle ne sut pas à qui cela appartenait. Elle était encore sonnée par le voyage et son bras ne donnait plus aucun signe de sensation. Elle réalisa tout à coup qu'elle était dans le noir. C'est ce qu'elle crû un moment pour réaliser ensuite que ses yeux ne laissaient plus passer les images. Elle frissonna. Il s'agissait de laisser quelques ouvertures pour plus tard. Son bras pendait de plus en plus et sa mâchoire commençait à fourmiller. Elle se rappela une vague incantation mais ne s'y attarda pas. Elle était plaquée au sol pour changer et paniqua quelques secondes. Peur, Angoisse, Insécurité. Action se dit-elle mais elle ne pouvait se relever.

Elle se souvint du journal. Le journal qui devait la soutenir. Mais elle ne le retrouva pas dans son esprit. Curieusement lui revenait les informations données par l'homme. Il l'avait regardée sans aucune intention. Du moins c'est ce qu'il projeté. Cependant, un détail dont elle ne se souvenait pas l'avait étonnée : la brûlure dans les yeux n'était pas anodine. Seuls quelques uns pouvaient. La logique des réseaux avait tout enregistré mais ils n'avaient pas pu se saisir de l'essentiel. Ils avaient essayés de vendre des promesses de profit pour extraire ses informations de tous ceux qui étaient recensés mais personne n'avait saisi l'opportunité. Elle se demanda pourquoi sa jambe gauche lui faisait si mal. L'homme avait dû se péter la cheville dans l'accident, elle avait hérité des symptômes. Lentement la douleur remontait, son corps se réveilla très légèrement mais il n'était plus en aussi bon état que dans l'avion. 

Komme, Komme, Komme insuffla t’elle doucement dans le creux de sa nuque en glissant sous l'oreille droite jusqu'à la base du menton.

Sa jambe droite avait reçu un choc au niveau de la cheville qu’il avait eue fêlée à minima. Jambe gauche affaiblie par le poids de l’autre qu’il avait négligée. Le trajet longeait le petit doigt du pied s’élançant d’abord du talon et l’appui était porté moins facilement qu’auparavant. Son genou avait lui aussi reçu un impact léger mais qui affaiblissait sa démarche.

Son corps arborait une aube dorée tellement intense que cela touchait au point de presque faire pleurer : il véhiculait une énergie très puissante, elle sut qu’il ne pouvait l’ignorer sans savoir à quel point. Cette vibration déployait des secousses très profondes et cela permettait un changement interne déstabilisant. Ce souffle coloré lui permettait d’établir des connexions fines et particulières. Les courbes et les plis dans les tons or principalement s’ouvraient les uns sur les autres et semblaient séparés du corps mais les fils venaient s’enfiler en interne dans la tête, tout autour de laquelle des capacités à comprendre rapidement l’avaient toujours aidé.

Son humeur produisait des sons. Dans tous les cas ses mains guérissaient autant que sa présence. Il voyait évidement à travers les corps mais encore un peu plus loin, et cela ne le passionnait pas encore vraiment. Derrière son oreille droite une petite plaque rouge en croissant de lune et une résolution de traumatisme essayait de s’échapper, ce qu’il n’avait pas encore compris. Cela occasionnait des troubles qui l’inquiétaient. Ces troubles semblaient mineurs mais ils ne l’étaient pas. N’ignore pas les symptômes, il faut y faire face lui lança t’elle.

L’impact derrière l’oreille droite contournait la base de la nuque jusqu’à 5 centimètres près de l’autre oreille. Ses yeux n’avaient pas une vision semblable. L’œil droit éclairait moins bien en interne, une membrane avait été malmenée et quelques menus fils étaient déchirés de l’intérieur. Cela lui occasionnait des secousses dans la nuit. Il avait toujours crû qu’il n’y pouvait plus rien.

I don't have Boss

Nothing is against you

I do not choose

It's Not Easy

Something is going in me

And I Give

What I am

I'm Nothing

I did not want to hurt you

Maybe Something Should Emerge

Everything is ok to reach your authenticity

I know it hurts

I don't have choice

I'm not Comfortable

I'm sure you know

You have my gratitude

With you it's open

This Jerk

It's the Light

And I love this Light

Your eyes will get used

Do not be so angry, Please

Whispers : Pas prendre, Ni Donner, Recevoir, lui murmura t-il dans les yeux

Toujours couchée sur le flan, le bras et épaule n'étaient plus raccordés. Ses yeux s’ouvrirent sur une ancienne réalité. Elle voyait mal son visage. Maintenue sur un étal de fer, la pièce exiguë ne lui permettait pas de distinguer ce qui se profilait. Son corps était camouflé sous une cape foncée, ses mains étaient hantées d'un violent ressentiment. Elle vit ce qui s'était passé autrefois entre eux qui l'étreignit douloureusement. 

Elle avait passé l’arme à gauche sous une colère gigantesque. Il avait eu tellement peur et n’avait pas compris ce qu’elle ressentait car il n’avait plus aucune autre vision que celle de la trahison. Le corps allongé sur une couche très mince, dans une ambiance noire et feutrée, son corps s’élança vers l’arrière sous le tranché de sa gorge. C’est à ce moment précis qu’il vit tout son amour dans ses yeux et qu’il comprit sa méprise. Il s’effondrât.

Le désir de vivre la ranima. Coincée sous la tôle et toujours dans le noir elle essaya de se souvenir du principe de contrôle des métaux. La reliance avec les fils n’avait jamais été aisée et toujours effectuée sous surveillance mais elle était seule. Le fil bleu devait être emprunté mais en même temps il ne fallait pas non plus mettre de côté l’urgence de la quantité subtile pour que les fils ne cèdent pas sous la chaleur en emportant le reste de son corps qui aurait pu se consumer de lui même voire basculer dans un autre univers. Il ne le fallait pas. Éviter de tomber sur une marchandise suspecte et se procurer du platine à tout prix. Toute la pyramide centrale était infectée. Elle devait rendre visite à Will.

Une main se tendait vers Elle. Mais la fenêtre était floue et elle hésita. La transparence claire de la fente faisait penser à une fontaine. La circulation de l’eau était suspendue mais continuait à tourner imperceptiblement. Vorticity, Le fil bleu, Le fil Bleu se répéta-t-elle. N’oublie pas le fil bleu. A nouveau la noirceur plongea à l’intérieur de tout son corps. Elle perdit le fil de ses pensées qui s’éteignirent à nouveau dans l'inconscience.

Il était petit et ses yeux savaient inspecter tout ce qui se trouvait devant lui. Vantard, voleur, menteur, il avait l'œil pour subtiliser les âmes de qui que ce soit. il savait faire montre de vire, volte et voltages en tous sens et en toutes circonstances afin d'effleurer ses proies, les faire mûrir, les cueillir comme des jeunes pousses insensées afin de profiter sans aucune sensiblerie de ce qu'il guignait. Il avait l'œil pour comprendre assez vite à qui il avait affaire et même desservit par une stature commune et sans postiches, il plumait tout un chacun et sa chacune, œil pour œil, dent pour dent, point n'en faut de trop blanc. Grâce à l'acquisition d'un savoir faire transmis de père en bâtard ou de qui que ce soit qui avait pu être volé dans un monde ou un autre, il avait des compétences multiples en relations humanoïdes et savait transgresser ce qui devait l'être au moment opportun avec toutes les races. Ainsi se glissait il dans les portefeuilles des hommes et des femmes s'il le fallait, bimétalliste et fondeur à la fois - même si rares étaient les lits dans la configuration des lieux ou ils vivaient ; il était très au fait de toutes les manigances visant à négocier un contrat, et de ce qu'il fallait faire au lit, dussent-ils ne plus exister.

Ainsi l'eût il regrettée : il vadrouillait depuis si longtemps dans la graisse, la suie et d'autres mondes qu'il n'avait pas pensé qu'elle l'aurait quitté si vite. Elle l'avait surpris suffisamment pour qu'il eût envie d'elle mais pas assez pour qu'il reconnaisse qu'elle ne se contenterait pas de stagner où il s'était contenté de faire son trou. Cela était bien avant aujourd'hui. Des lustres temps derrière eux. Ce jour là, Il l'avait alors utilisée avec satisfaction et sans que ce soit toujours comme cela, il avait compris trop tard qu'elle ne lui pardonnerait pas et que ce qu'il avait fait ne pouvait l'être de personne. Il l'avait tournée et plaquée avec rudesse contre une plaque de métal poisseuse et coupante qui servait de banque pour toutes les transactions, et s'était dédommagé d'une obscure journée, en lui écartant les jambes avec un de ses genoux, l'avait maintenue prisonnière sous lui  et s'appuyant sur son dos de tout son poids, avait relevé sa jupe et fait glisser le tissu sur une toison sèche, soulevé les hanches puis brutalement lui avait enfoncé le cuirassé profondément en s'accrochant à ses épaules et en la baisant aussi salement qu'on puisse le faire : de force. Ensuite, il ouvrit le challenge à tout son groupe de commis. 

Elle leva la tête vers le ciel gris foncé, des bandes de bleu passantes lui rappelèrent son désintérêt soudain pour Will. Elle avait mal dans le ventre mais fit taire la douleur qu'elle arriva à faire monter plus haut dans le corps pour ne pas être foudroyée de haine et de douleur. Légèrement, elle se dissocia de son corps. Devant elle, un mur d'un beau gris foncé avec très peu de bleu, pétrole, s'effaça et laissa le ciel sublime de l'obstination à ne plus sentir disparaître. Elle vit ondoyer le grand œuvre du vent dans tous ces déplacements.

Elle n'arriva que partiellement à déambuler ailleurs, alla se coucher à plat ventre à même le sol, et dissimula cet événement en devenant assommante pour l'entourage qui était le sien et ne fit plus que décliner lentement faute de ne pouvoir se confier à personne. Après cela, elle fit barrage à presque tout ceux qu'elle rencontra ensuite.

Au bord du précipice, imbibé de cette mésaventure, elle se jura que personne ne pourrait plus l'atteindre sans même le remarquer. Les souvenirs sexuels étaient parfaitement perturbants. Elle avait bien essayé de les détruire, utilisé des armes de poing, caressé des idées extrêmes et systématiques, mais une préférence s'était exprimée : ne plus compter que sur elle.

Son désir de maîtrise l'avait amené à rechercher la pointe de l'excellence dans tout ce qu'il entreprenait. Il avait aimé une grande partie de sa vie en calquant sa vie de chercheur avec son anxiété constante qui l'amenait à développer une curiosité hors norme. Tendu comme un arc dans les circonstances de vie les plus simples, s'il se rassemblait dans son corps et acceptait les désagréments passagers provoqués par une vie proche de celle d'un marin qui naviguait de mers en eaux, il savait avoir déjà accompli dans l'instant un grand nombre de faits d'armes non négligeables et était confondu de voir que cela ne valait déjà presque plus rien au regard de ce qui l'habitait dans le moment présent. Habitué à la reconnaissance de ses pairs, la fluctuation des vents dans la vie ne lui faisait pas peur exactement mais tourmentait ses certitudes. Ainsi se trouvait-il suspendu.

Le Château Montrose n'était pas exactement sa tasse de thé, aussi ouvrit-il une bouteille de Taketsuru à l'honneur pour exploiter un plein potentiel sur ces expérimentations multiples. Il se dévêtit pour enfiler juste un jean souple et une veste blanche et confortable, débrancha son portable, s'installa derrière l'écran pour prospecter sur les idées et les nouveautés dans l'air du temps de cette soirée. Il tourna ensuite lentement la tête car l'air bruissait élégamment et la vit foncer sur lui, ne reconnu pas tout de suite qui elle était,  vit ses couleurs tournoyer et se mêler les unes aux autres, puis elle déploya ses ailes et se posa sur sa droite du côté de toutes ses certitudes enchâssées  et avança ensuite d'un pas devant lui sur le plancher clair. Médusé par sa prestance et sa proximité, il retint son souffle, et regarda l'oiseau de proie dans les yeux pendant plusieurs minutes sans que rien n'entrave leur connexion. Le changement s'opéra lentement, tel qu'il le laissa entrer en lui, et le bouleversa pour quelques temps si bien qu'il ne se reconnut plus tellement, et nombre de ses intérêts changèrent rapidement. L'adéquation avec son milieu ne se fit pas aisément, car il se mit à saisir le présent comme il ne l'avait jamais encore prit, ainsi dépendu.

La seule et unique façon avait-elle crû était de partir. S'éloigner de tout. Comme Cela, l'air de tout. Elle alluma un clope sous la douche et écarta le rideau, jeta les cendres au sol et pencha la tête en arrière, encore un peu d'eau chaude, descendit et marcha sur les tomettes rouges jusqu'à la cuisine, reprit une cigarette et l'alluma avec l'autre, mangea des nouilles, huile d'olive, ail et poivre, en alternant avec le paquet de clope entier, ce qui lui prit pas mal de temps, trouva que ce n'était pas classe, ne voulu plus regarder personne, jeta un vague coup d'œil à Brautigan* qui trainait sur la table,  laissa le monde parler et dire ce qu'il voulait sans réagir, ne voulu même pas dire pour se défendre de quoi que ce soit, entendit une petite voix lui murmurer avant de se jeter sur le lit et d'enfouir sa tête dans les bras et les draps, ainsi les larmes ne la quittèrent pas, tout le monde se détourna, sans savoir,  tandis qu'elle retournait en-elle même d'où personne ne la vit jamais, sauf bien sûr Brautigan*, qui avait écrit retombée de sombrero exprès pour qu'elle se sorte de cette mauvaise passe.*

Sous la lampe l'éclairage se fit plus insistant. Il la regarda en se demandant si toutefois il n'aurait pas dû...Puis chassa l'idée de son esprit. Il ne franchit pas encore ce seuil, se tourna vers la plante et eut envie de la foutre en l'air, pensa à l'hiver dernier et au manteau blanc de la neige qui doucement s'était infiltré dans son corps, cela avait commencé lentement comme une grenouille qui cuit à petit feu sans s'en rendre compte, la nostalgie s'était emparée de lui comme jamais auparavant,  et il avait sentit le froid. Habitué à snober ouvertement ses sentiments qu'il faisait toujours passer loin derrière, devant toujours fringant il avait avancé à l'aveugle, se dirigeant d'étoffe en étoffe, humant l'air ambiant et se satisfaisant de ce qu'il trouvait lorsqu'il avait pu s'installer dans une ville, privilégiant les soirées de son crû, il avait perdu de sa superbe puisque crûment la lumière venait contrefaire ses plans et il ne pouvait plus se planquer.

Malgré lui elle entrait subrepticement dans son corps, un corps qui acceptait moins bien la lumière que le reste, il avait mal et depuis se voyait de plus en plus touché par l'authentique, il ne voulait plus de bois autour de lui en tous cas pas  dans ces proportions rageantes, il se leva enfin pour se tirer, pria pour qu'elle ne porte pas de rouge, jeta son portable sur le siège avant avec une boite de Cohiba Behike 56 pour se rassurer, et se jura qu'il ne la laisserait pas lui filer entre les doigts car il voulait vraiment entrer enfin en contact. Pas de GPS, la clé et le vrombissement de la caisse, il partit à sa recherche. 

Il avait su qu'il devrait être patient, mais ne s'attendait pas à mettre plus de 5 ans avant que cela se produise et lorsqu'il qu'il la vit, ces années s'étant écoulées sans trop de peine dans une vie terne et cadrée, il comprit que quelque chose se produisait avant même qu'elle ne le regarde, il ne bandait pas, pas encore mais il y eut des petites danses de lumière inexpliquées autour de lui, elle,  le sentit avant de le regarder et lorsque lentement elle leva les yeux sur lui, elle fût surprise de cette attirance, elle ne comprit pas tout à fait, ne reconnu pas ce qu'elle connaissait auparavant, flippa, puis elle le regarda dans les yeux, elle ne voyait plus rien de ce qui était autour d'eux, il eut un peu de mal à respirer devant cette présence évidente, remonta d'une de ses mains ses cheveux et cala sa main derrière sa nuque puis doucement l'enserra. Sans bruit et avec force, ils s'étreignirent intimement, longtemps.

Le voile se mua en petits fragments colorés de bleu, inconscience froide et grise, elle devina qu'un pan de mémoire lui revenait par brins.

Dites moi comment voir dans ce monde étrange ? Le vent glissa sur le sol et rafraîchit tout son corps, sans motif valable. Il s'engouffra sous sa chemise, parfuma son humeur de petites étincelles furibondes qui l'entourèrent. C'était éclatant, comme il se jouait de ses sens, quand soudainement, sous ses pieds, le sol se mit à chauffer tandis que son corps héla presque le bastingage comme s'il y eut une silhouette inattendue à laquelle s'adresser. Des fils de pluie tombant du ciel, drapés de givre bleuté amplifièrent le contact sous la forme d'une cérémonie de nature à compliquer les manœuvres techniques. Il vit la couleur de l'océan dans le vortex, comme une faille dans un système logique, puis se vit et regarder la fille, et lui tendre la main.

Will se sentit mal en la voyant arriver vers lui. Il se détourna un instant et claqua la portière avant du cylindre sur lequel il travaillait avant de reprendre son souffle et de la regarder : elle était plus grande qu'autrefois.

-          Que me vaut l'honneur de ce déplacement ? Lança t-il. Elle ne répondit pas, fila vers la centrale à outils et métaux, extirpa de sa ceinture les clefs attachées à la lampe accélératrice de champs magnétique et accrocha cette dernière en son sein. Will fût médusé par une agilité qui ne sentait pas le meilleur qu'il se puisse pour ce qu'elle risquait de faire. Il avait mis deux secondes à ce que son cerveau amène la pensée à son esprit alors qu'elle penchait déjà dans un temps inférieur, du temps ou lui n'avait encore aucune maîtrise sur rien et ou elle étudiait tous ses gestes, toutes ses décisions, toutes ses angoisses et l'accompagnait partout. Mais elle déjà n'était plus là, partie en un autre temps pour récupérer les éléments d'assemblages à l'étude pour réparer son bras. Will resta marbré de bleu en voyant qu'il avait perdu deux outils en moins de temps qu'il ne le fallût à un capteur chimique pour repérer un système complexe défectueux. Pendant qu'il se produisit un vent qui ensevelit de poudre noire l'antre de Will et tout alentour, elle se préparait à mettre en œuvre des techniques sur la conductibilité de l'ADN non encore observables afin de réparer autre chose que les hélices défaillantes de surcroît, tout au moins les liaisons hydrogènes tout au plus les fils qui se devaient d'être connectés sans être repérés.

Dans le couloir exsangue et dénué de toute sortie, il fallait se faufiler.

Mata gambarimashô Né

La fournaise était infestée de petites diodes orangées.

Dô suru ?

Le mot japonais "haï" est une réponse qui veut dire "J'ai bien entendu ce que tu m'as dit".




Le néon lui rappela par intervalles lumineuses de conscience qu'alors, elle devrait manifestement chercher de l'aide.




Platsch :
**retombée de sombrero traduit de l'américain par Robert Pépin