dimanche 8 juillet 2012

Pinocchio - Livre I Chapitre III Plume Gogo


 Dans cette maison, le plus beau était à l'intérieur de Geppetto. Rien n'était vraiment réel dans le décor  flou et pourtant, c'est ce quotidien qui lui avalait la vie, faite de peu de choses en vérité. Geppetto tout juste entré, observa les outils dont il disposait pour exécuter ce qu'il avait en tête. Le travail du bois, il le connaissait mais devant cette pièce de bois là, si particulière, il était pris par un désir violent et son cœur ressentait une intensité, quelque chose de bien connu, cela l'emportait tout à fait et il ne savait plus comment happer le miracle, extraire l'éclat des étoiles et les planter dans vos yeux, créer ce pantin, que cela vous transforme aussi, les amis.

Avant la taille, il exultait. Cela signifiait qu'une nouvelle fois cela allait le traverser, le prendre et il savait qu'il fallait profiter de cela vite, et sans attendre car bientôt cela s'éloignerait tout à fait, tout à coup et sans prévenir, et alors il s'agirait de patienter à nouveau pour que ce feu brûle en lui, jusqu'à ce que plus haut les éléments s'accordent pour lui donner cette lueur, ce royaume, jadis atteint plusieurs fois, et vous inviter à la félicité, vous emmener en lune de miel dans cette histoire, vous coucher sur un lit de roses, venez-voir cœur léger et dans l'insouciance, ce que mon pantin deviendra : devant, tout droit, allons de l'avant !

Devant le feu, il décida d'appeler le pantin, Pinocchio, dans l'idée que sa connaissance des ascendants d'une famille pauvre, nommée Pinocchi, avait permis à tous de pouvoir se nourrir, et de vivre simplement, sans aller de travers.

Une fois la tête sculptée, Geppetto fût pris d'un hoquet de surprise. Les yeux roulaient de tous côtés. Geppetto interloqué, se demanda s'il avait fait coup double en une seule tête, se mit au garde à vous, peu fier de la peur qui s'infiltrait dans ses veines, se dit qu'il entendait des voix, accorda ses gestes afin donner une forme au nez de Pinocchio, mais celui-ci s'étendit de plus de dix pouces et Geppetto se crût plumé, PAUVRE GOGO, tandis que le nez insolent le bravait, se moquait en grandissant et en devenant long comme une épée. Fâché par cette soudaine remise en question, il cria, interrompit le travail, et explosa de fureur, emporté par ses nerfs et pourtant sa volonté de fer ne l'empêchait pas de saisir cette tête et de tenter l'impossible en faisant une bouche. Elle se riait de lui, et lui, déçu, larmoyant, essuya cet échec en créant le reste du corps, les jambes, et vlan, Pinochio lui lançait alors un coup de pied sur le nez. Geppetto, tout à trac, le fit marcher, lui tenant la main, un pied devant l'autre comme un gentil petit fiston, qui devint de plus en plus sûr de sa marche, avança gentiment vers la porte, et s'engouffra vers la rue qu'il traversa en courant, s'éloignant à bride abattue, loin de chez lui.

Geppetto de le suivre et de courir derrière lui, clopinant mais Pinocchio en cavale, cavalait justement comme un fou, sautant et bondissant, tel un animal en fuite heureux de retrouver la liberté, se faufilant comme une anguille au milieu des passants qui riaient comme de bons bougres d'un spectacle effarant : un pantin de bois qui faisait faux bond à notre Papito.

Un carabinier qui était là, réussi à l'arrêter en saisissant son nez qui dépassait tellement, qu'il en fût stoppé net. Geppetto à bout de souffle caressait l'idée de lui tirer les oreilles pour le punir mais quand il arriva et voulu lui donner la correction prévue, point d'oreille pour le châtier, il les avaient oubliées  pendant la taille. Le pris donc par le cou mais sous les menaces de représailles et promesses de châtiment, Pinocchio se laissa tomber comme un mouchoir et refusa de faire un pas de plus.

La petite foule réunie autour d'eux se pressait de commentaires sur Geppetto, le traitant de père fouettard et invectivant de leurs propos salement accusateurs,  comme les déballonnés de service et fier à bras de surcroît spécifiquement ils ne risquaient rien. Le carabinier s'illusionnant pris pour argent comptant les paroles de ceux-là qu'aucune mauvaise parole ne gênaient, si bien qu'à la fin le carabinier empoigna Geppetto par le col et l'emmena pour le jeter en prison, tandis que Pinocchio, enfin libre de tout, peut être, c'est ce que nous verrons ensuite car pour l'instant Geppetto pleurait comme une madeleine, se maudissant lui- même, se malmenant de désespoir, son fils ayant été élevé ainsi et conçu en toute désolation.

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